11 May 2011

Liberté arabe

J'étais encore un enfant quand j'ai appris mon premier poème français par coeur. Je trouvais toujours du plaisir à le réciter aux gens. Je le pratiquais toute seule devant un miroir en faisant des gestes qui correspondent aux images du poème.


Je l'ai toujours gardé en moi, toute la vie, mais je l'avais oublié. En vivant les révolutions arabes je m'en suis souvenue.

La Tunisie Libre

Je me rends compte là que ce que j'avais appris par coeur n'était qu'une version courte du poème. Je viens de le retrouver entier. Je le partage aujourd'hui avec vous car j'ai réellement envie d'écrire LIBERTE sur tous les murs et sur toutes les rues de toutes les villes et tous les villages du Monde Arabe. Son nom est déjà écrit sur les visages et dans les regards des millions de jeunes Arabes.

Nous t'aimons liberté sans plus


Liberté

Sur mes cahiers d'écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable de neige
J'écris ton nom

Sur les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J'écris ton nom

Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J'écris ton nom

Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l'écho de mon enfance
J'écris ton nom

Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J'écris ton nom

Sur tous mes chiffons d'azur
Sur l'étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J'écris ton nom

Sur les champs sur l'horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J'écris ton nom

Sur chaque bouffée d'aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J'écris ton nom

Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l'orage
Sur la pluie épaisse et fade
J'écris ton nom

Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J'écris ton nom

Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J'écris ton nom

Sur la lampe qui s'allume
Sur la lampe qui s'éteint
Sur mes maisons réunies
J'écris ton nom

Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J'écris ton nom

Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J'écris ton nom

Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J'écris ton nom

Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J'écris ton nom

Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attendries
Bien au-dessus du silence
J'écris ton nom

Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J'écris ton nom

Sur l'absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J'écris ton nom

Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l'espoir sans souvenir
J'écris ton nom

Et par le pouvoir d'un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer

Liberté
Paul Eluard
 Poésies et vérités 1942

7 comments:

Anonymous said...

يقال، يا ابنة النور إن إيلوار شرع في كتابة هذه القصيدة وهو ينوي التغزل بحبيبته...
ترى ما الذي أغراه بالانتقال إلى الحرية؟؟ أنا أجزم بأنه الحب نفسه وها أنك تكتشفين الدرب نفسها من شبابيك الحب إلى أبواب الحرية ومن سحر الطفولة إلى ثورة الشباب
دمت للتونسيين ديما... ديما ولغيرهم ديمة سكوب

annie said...

Un poème dont on ne se lasse jamais. Merci

andrea said...

Merci pour ce mot en Français, et pas des moindres.

MADY said...

Le même poème que j'ai écrit sur le bureau, la même chose. Et puis, avec guitare à la main, a pris la forme de quartiers de la classe Song. Combien grande est la Vie!

David Billard said...

Je vous conseille aussi "La Victoire de Guernica", toujours d'Éluard. À rapprocher de l'actualité de Misrata...

karukerafw said...

Etrange coïncidence car je suis en train de découvrir votre site et notamment la page en français avec ce poème si fort quand je lis sur mon twitter que les 2 journalistes français retenus depuis decembre 1989 en Afghanistan viennent dêtre libérés!! Vive la Liberté!
Merci pour vos tweets!!

karukerafw said...

... il s'est écoulé tant de temps depuis que ces 2 journalistes ont été enlevés que je me suis trompée d'année... Ils sont retenus depuis décembre 2009...
Liberté chérie!